Refroidis en continu, actifs 24 h/24, hébergeant des milliards de données… La consommation énergétique des data centers explose, tandis que nos usages sont profondément impactés par la démocratisation de l’intelligence artificielle (IA) et de nouvelles façons de s’informer. Combien d’électricité consomme un centre de données ? Pourquoi la technologie IA alourdit les besoins et dépenses énergétiques des data centers ? Alterna énergie fait le point sur la révolution qui touche le monde numérique et présente des solutions technologiques pour limiter les besoins énergétiques des entreprises et des particuliers.
Navigation web, streaming, intelligence artificielle, cloud : les infrastructures numériques se trouvent au cœur de nos usages. Cette façon d’accéder à l’information impacte la consommation énergétique des data centers. Ainsi, derrière l’apparente « légèreté » du numérique se cache une réalité matérielle lourde et énergivore.
Un data center est un bâtiment hautement sécurisé qui héberge des milliers de serveurs informatiques dont le fonctionnement est continu.
En effet, chaque serveur est une machine physique qui génère de la chaleur, nécessite une alimentation constante et doit fonctionner sans interruption.
Trois principaux postes concentrent la consommation électrique des data centers :
L’externalisation des données vers le cloud a profondément modifié l’architecture réseau numérique mondiale.
Aujourd’hui, les entreprises de tous secteurs, comme les particuliers, stockent, consultent et exploitent leurs données via des serveurs distants. Ainsi, les volumes de données à héberger sont considérables, tout comme les besoins en calcul.
De plus, avec la démocratisation du télétravail, des plateformes collaboratives, de l’IoT et de la 5G, les data centers deviennent des infrastructures technologiques critiques pour le fonctionnement des entreprises qui doivent garantir une disponibilité immédiate et continue.
Cette exigence de haute disponibilité impose une redondance énergétique (groupes électrogènes, batteries, etc.) et une surcharge technologique. Ce sont deux facteurs qui augmentent également l’empreinte carbone des data centers.
Chaque minute, des millions de vidéos sont visionnées sur YouTube, TikTok, Netflix ou Twitch. Ces contenus sont stockés, transcodés, puis diffusés à la demande via des serveurs dédiés.
À cela s’ajoute l’usage massif des réseaux sociaux, qui génèrent d’importants flux de données (photos, vidéos, stories, live), et le stockage automatique dans le cloud (Google Drive, iCloud, OneDrive, etc.).
L’infrastructure numérique mondiale repose sur des centres de données massifs, dont la consommation électrique devient un enjeu majeur à l’échelle planétaire. Alimenter ces installations 24 h/24 et 7 j/7 mobilise des volumes croissants d’électricité.
Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), en 2022, la consommation électrique des data centers dans le monde s’élevait à 460 TWh.
Cette consommation pourrait atteindre entre 620 et 1 050 TWh en 2026, en fonction de l’évolution des usages numériques et de la régulation des infrastructures. Cette consommation d’énergie des data centers a déjà augmenté de 12 % entre 2019 et 2024.
Cela représenterait une part comprise entre 2,1 % et 3,7 % de la consommation mondiale d’électricité. Cette évolution rapide est comparable à la consommation annuelle d’un pays comme le Japon (1 022 TWh).
Certains pays sont déjà fortement impactés. Le cas de l’Irlande est emblématique. Les data centers y ont consommé 17 % de l’électricité nationale en 2022, contre moins de 5 % en 2015. Cette part pourrait monter à 30 % d’ici 2030 si aucune limitation n’est imposée.
Plus généralement, dans des pays européens comme la France, l’Allemagne, l’Italie ou l’Espagne, la consommation d’électricité des data centers représente entre 2 et 3 % de la consommation totale d’énergie de chaque pays.
Entre 2010 et 2020, les progrès en matière d’efficacité énergétique (meilleur rendement des serveurs, mutualisation des ressources via le cloud) ont permis de limiter l’augmentation de la consommation, malgré une multiplication par 15 du trafic mondial de données.
Mais cette dynamique est aujourd’hui rompue, car depuis 2020, la demande explose, portée par :
Avec le doublement annoncé de la consommation des data centers entre 2022 et 2026 (scénario du pire), cette trajectoire dépasse largement les capacités de gain d’efficacité actuelles.
Après avoir bouleversé les usages numériques, l’intelligence artificielle (IA) est en passe de devenir le principal moteur de la consommation électrique des data centers.
La technologie IA, et en particulier l’IA générative, mobilise des puissances de calcul massives, car elle repose sur :
L’AIE indique que la consommation électrique des serveurs accélérés augmente de 30 % par an, contre seulement 9 % pour les serveurs classiques des data centers.
Entraîné en 2019, GPT3 aurait nécessité environ 1 287 MWh et généré jusqu’à 502 tonnes de CO₂.
Pour GPT4, les estimations varient fortement. Dans le meilleur des cas, avec un entraînement optimisé et alimenté par de l’électricité bas carbone, l’empreinte carbone de l’IA pourrait se limiter à environ 1 200 tonnes de CO₂.
D’autres évaluations, basées sur un modèle complet et des sources d’énergie plus carbonées, estiment cette empreinte jusqu’à 14 000 tonnes de CO₂, pour une consommation électrique approchant les 60 000 MWh
Une seule requête sur ChatGPT (GPT‑4o) consommerait 0,3 à 0,4 Wh par prompt, c’est à peu près la consommation d’un chargeur de téléphone pendant 30 minutes, mais quand même nettement moins que les premières estimations (3 Wh). Cette consommation est à multiplier à l’échelle d’un réseau de millions d’utilisateurs quotidiens aux multiples requêtes !
En outre, une requête type à ChatGPT émettrait environ 4,3 g CO₂. Pour comparaison, une recherche Google émettrait seulement 0,2 g CO₂.
La technologie IA classique (recherche, filtres, recommandations) consomme peu en utilisant des ordinateurs standards et des ressources graphiques limitées.
En comparaison, l’IA générative utilise des architectures réparties qui nécessitent :
Face à l’explosion de la demande énergétique, les opérateurs de data centers explorent plusieurs leviers de sobriété.
L’une des pistes les plus prometteuses concerne le refroidissement naturel des data centers, ou freecooling, qui consiste à utiliser l’air extérieur ou l’eau froide pour limiter le recours aux climatiseurs énergivores.
Des expérimentations plus poussées, comme les data centers sous-marins, ont également été menées pour tirer parti de la température constante des profondeurs. L’impact sur un possible réchauffement concomitant des océans est à mener de front.
Parallèlement, les progrès en efficacité logicielle (algorithmes moins gourmands et gestion intelligente des ressources) et matérielle (serveurs haute densité, virtualisation, mutualisation) permettent d’optimiser chaque watt consommé.
En outre, le recours aux énergies renouvelables dans les greens data centers, comme le solaire, l’éolien ou l’hydraulique, se démocratise et certains centres visent même la neutralité carbone d’ici 2030.
Enfin, dans le secteur des technologies de l’information, la localisation géographique joue un rôle stratégique dans la consommation des data centers. Des pays nordiques, comme la Norvège ou l’Islande, attirent les opérateurs grâce à leur électricité bas carbone, leur climat frais et leur stabilité politique.
Combinées à une rationalisation des usages, ces solutions contribueront à contenir l’empreinte énergétique du numérique tout en répondant à la demande croissante des besoins en données.
L’intensité énergétique d’un data center dépend de plusieurs facteurs :
En France, un data center consomme en moyenne 5,15 MWh par m² et par an.
À surface équivalente, cela peut représenter la consommation annuelle d’une ville de 50 000 habitants. Le refroidissement seul peut représenter jusqu’à 40 % de la dépense électrique.
Les data centers génèrent 25 % des émissions mondiales du numérique. En France, ils sont à l’origine de 14 % des émissions du secteur.
L’impact des data centers provient de :
La consommation des data centers se calcule en multipliant la puissance électrique installée (en kW) par le nombre d’heures de fonctionnement annuel.
À cela s’ajoutent les pertes liées au refroidissement et aux équipements auxiliaires des data centers.
Ainsi, le PUE (Power Usage Effectiveness) permet d’estimer l’efficacité énergétique. À retenir qu’un PUE de 1,5 signifie que pour 1 kWh utile, 0,5 est dépensé en support.
Certains centres de données visent une neutralité carbone en combinant plusieurs leviers :
Toutefois, l’empreinte des data centers dépend aussi du cycle de vie des matériels et du mix énergétique local. Une vraie neutralité exige une approche globale sur l’ensemble de la chaîne.