Alors que l’ARENH prendra fin le 31 décembre 2025, la France doit renouveler sa régulation du nucléaire historique. Le parc de production d’électricité nucléaire, financé par les contribuables français, confère à EDF un monopole de fait. Il est donc essentiel de définir, en accord avec la Commission européenne, une régulation qui protège les consommateurs tout en assurant la libre concurrence sur le marché de la fourniture d’électricité. Si le calendrier prévoyait de finaliser cette évolution fin 2024 – début 2025, la dissolution de l’Assemblée nationale et l’instabilité politique qui a suivie ont entraîné des retards. Où en sommes-nous aujourd’hui ? Et comment cela va-t-il faire évoluer les factures d’électricité ?
Depuis le 1er juillet 2011, l'Accès Régulé à l'Électricité Nucléaire Historique (ARENH) offre aux Français un accès à l'électricité nucléaire à un tarif régulé de 42 €/MWh. Mis en place suite à la libéralisation du marché, ce dispositif avait pour but de rendre possible la libre concurrence des fournisseurs alternatifs, dans un contexte de monopole d’EDF sur le parc nucléaire historique, dont la construction avait été financée par les contribuables français lorsqu’EDF était encore une entreprise nationalisée en monopole.
L’ARENH donnant un avantage compétitif aux consommateurs français grâce à une électricité au prix plafonné, le dispositif avait été négocié avec la Commission européenne pour une durée de 15 ans, jusqu’au 31 décembre 2025. Depuis plusieurs années, les négociations sont donc en cours pour définir le prochain dispositif qui remplacera l’ARENH.
Dans notre dernier article de mai 2024 sur la fin de l’ARENH, deux dispositifs étaient déjà identifiés pour remplacer l’ARENH :
Depuis un an, les choses ont toutefois évolué.
Bernard Fontana, nommé PDG d’EDF en mai 2025, a défini les Contrats d'Allocation de Production Nucléaire (CAPN) comme l’une de ses priorités stratégiques. Son objectif : signer avec des industriels électro-intensifs des contrats pour une production totale cumulée de 40 TWh / an. Aujourd’hui, les volumes restent en deçà, avec seulement 22 TWh signés pour 2028 et 13 TWh pour 2029.
Comment fonctionnent ces CAPN ? Négocié en direct avec EDF, un CAPN garantit à une entreprise un prix de l’énergie nucléaire fixe pour une durée d’au moins 10 ans, en contrepartie d’une participation au risque industriel d’EDF. Le contrat concerne un pourcentage de la production d’électricité nucléaire produite par EDF (par exemple 1% de l’énergie nucléaire produite par EDF sur l’année). Fruit d’une négociation commerciale, le prix défini pour chaque CAPN n’est aujourd’hui pas communiqué.
Les CAPN sont particulièrement stratégiques pour les industriels électro-intensifs, dont l’activité nécessite une consommation électrique importante (supérieure à 2,5 kWh par euro de valeur ajoutée). Ils ont besoin d'une énergie abordable pour maintenir leur compétitivité. Si le dispositif a été pensé au début pour une poignée d’entreprises, selon une définition stricte de l’entreprise électro-intensive, la définition des entreprises concernées tend à s’élargir.
Certains fournisseurs alternatifs ont aussi demandé à EDF s’il serait possible d’avoir accès à ces CAPN. A ce jour, aucune réponse définitive n’a été communiquée par EDF.
Au-delà des CAPN qui garantissent une énergie abordable à certaines entreprises, il est essentiel de protéger toutes les entreprises et tous les consommateurs français. C’est l’objectif annoncé du Versement Nucléaire Universel (VNU) – initialement nommé Versement universel nucléaire (VUN).
Introduit par la loi de finances pour 2025, le dispositif qui remplacera l’ARENH est financé par une taxe sur le combustible nucléaire, qui est ensuite redistribuée aux consommateurs sous la forme du Versement Nucléaire Universel. Le principe est de partager les bénéfices du parc nucléaire d'EDF. Dès 2026, EDF vendra l’intégralité de son électricité nucléaire sur les marchés. En fonction des prix du marché, EDF en tirera des bénéfices d’EDF plus ou moins grands. En cas d’importants bénéfices, le VNU prévoit de reverser une partie de cet argent aux consommateurs, avec la définition de deux seuils :
Le Versement Nucléaire Universel prendra la forme d’une minoration de la facture des consommateurs d’électricité, clairement identifiable grâce à une ligne dédiée.
La mise en place du VNU prend beaucoup de temps. Il a par exemple fallu modifier par décret la comptabilité d’EDF afin d’isoler les bénéfices d’EDF sur sa production du nucléaire et ainsi pouvoir appliquer la taxe sur le combustible nucléaire.
Bien que l’ARENH prenne fin au 31 décembre 2025, de nombreuses incertitudes subsistent.
Tant que ces points n’auront pas été réglés, il est impossible pour les consommateurs français de connaître exactement l’impact de la fin de l’ARENH sur leur facture.
Alterna s’engage à publier d’autres articles sur ce sujet, afin de vous maintenir au courant.