L’arrêté tarifaire S21 a longtemps constitué un levier essentiel pour le développement du photovoltaïque en France. En garantissant des tarifs d’achat attractifs, il a permis à de nombreux projets de voir le jour, facilitant la transition énergétique et la diversification du mix énergétique national. Cependant, face à un contexte de finances publiques tendu et à la montée en compétence du secteur, le gouvernement a annoncé en février 2025 une refonte de ce dispositif, finalement publié au Journal officiel le 27 mars dernier. Cette réforme suscite de nombreuses réactions de la part des acteurs du secteur. Quels en sont les enjeux et les conséquences ? Décryptage.
Mis en place en 2021 pour encourager le développement du photovoltaïque, l’arrêté tarifaire S21 repose sur un système de tarifs d’achat garantis et de primes à l’investissement, offrant aux producteurs d’électricité solaire une visibilité sur leurs revenus. Ce dispositif concerne exclusivement les installations de puissance inférieure à 500 kWc, qu’il s’agisse de toitures de bâtiments résidentiels, industriels ou agricoles, ou encore d’ombrières photovoltaïques.
Le S21 a joué un rôle déterminant dans l’essor du photovoltaïque en France en rendant ces projets plus attractifs financièrement, tant pour les particuliers que pour les entreprises. Le succès du dispositif est indéniable : entre fin 2021 et fin 2024, 16 GWc de demandes ont été enregistrées (l’équivalent de 245km² recouvert de panneaux solaires, soit la superficie de la ville de Marseille), bien au-delà des 4,8 GWc initialement prévus. Cependant, cette montée en puissance, combinée à la nécessité de maîtriser les dépenses publiques, a conduit le gouvernement à annoncer début février une réorientation du S21, notamment vers l’autoconsommation, au détriment du rachat de l’électricité, afin d’assurer un soutien plus ciblé et durable aux petites installations photovoltaïques.
Les nouvelles mesures introduites par l’arrêté modificatif du S21 visent à mieux encadrer le développement du photovoltaïque, avec un recentrage des aides sur les installations de petite puissance et une réduction des incitations pour les projets de plus grande envergure. Parmi les principales modifications :
Les acteurs de la filière, notamment le Syndicat des énergies renouvelables (SER) et Enerplan, avaient vivement réagi aux annonces de février, évoquant le retour d’un « moratoire » sur le photovoltaïque, en référence au moratoire de 2010 qui avait provoqué une crise du secteur.
Les principales critiques exprimées :
Face à ces inquiétudes, la filière appelle le gouvernement à une meilleure concertation, afin d’éviter un ralentissement brutal des investissements et de préserver la dynamique de croissance du photovoltaïque en France.
Le Conseil supérieur de l’énergie (CSE) et la Commission de régulation de l’énergie (CRE) avaient déjà été saisi pour avis d’un projet d’arrêté sur le S21. Le CSE avait émis un avis très critique, appelant à une suppression de la dégressivité, estimant que le mécanisme proposé risquait de freiner durablement le développement des projets. La CRE, de son côté, s’était montrée partagée : si elle soutenait le projet dans son ensemble — notamment les critères de résilience, l’instauration d’une caution de 10 000 euros ou encore la baisse des conditions de soutien —, elle exprimait en revanche elle aussi une opposition ferme au dispositif de dégressivité tel que présenté dans le projet initial du Gouvernement. L'arrêté modificatif a finalement été publié au Journal officiel le 27 mars dernier par le ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
La réforme du S21 illustre les tensions entre la nécessité de réduire les dépenses publiques et l'impératif de soutenir le développement des énergies renouvelables. Si l'objectif affiché est de mieux encadrer la croissance du photovoltaïque et d’adapter les aides aux réalités du marché, cette évolution suscite de vives inquiétudes quant à son impact sur la filière et sur la transition énergétique en France. Le secteur avait pourtant plaidé pour des ajustements afin d’éviter un coup d’arrêt brutal aux investissements et de garantir une montée en puissance cohérente des énergies renouvelables.